La vallée de l’Aisne est connue des archéologues pour ces multiples sites du Néolithique à la fin du l’âge du Fer : l’un des plus anciens villages d’Europe (Néolithique ancien) se trouve à Cuiry-les-Chaudardes ; la nécropole gauloise de Bucy-le-Long est l’une des plus grandes et des plus riches fouillées à ce jour.
Dans le cadre de l’extension d’une carrière de granulats dans un grand méandre de l’Aisne au niveau des communes de Cuiry-lès-Chaudardes et de Beaurieux ont été mis au jour des vestiges de diverses époques dont une villa

villa

mot latin désignant une ferme, exploitant un domaine agricole constitué d’une habitation pour le propriétaire et de bâtiments utilitaires.

importante. Une villa est le centre d’une exploitation agricole. On y distingue une partie qui est la résidence du propriétaire, en l’occurrence très aisé, construite sur fondations de pierres, couverte de tuiles avec l’existence probable de bains privés, d’une partie qui est le cœur de la ferme où se concentrent toutes les installations agricoles : hangars, étables, ateliers et probablement les logements des ouvriers, construits selon des modes plus traditionnels, en terre, bois et toiture végétale. Cette villa a des origines plus lointaines : une ferme construite peu après la fin de l’indépendance gauloise, à la fin du I^er siècle av. J.-C. précède la villa, mais des fossés plus anciens encore (Hallstatt) pourraient entourer une ferme antérieure.
La villa et ses alentours ont fait l’objet de plusieurs diagnostics. L’un d’eux a mis en évidence l’existence d’une autre ferme contemporaine du grand domaine à moins de 500 m vers le nord-ouest, à proximité d’un bras de l’Aisne.

Dans le cadre des travaux d’aménagements de la Route Nationale 2 au sud de Villers-Cotterêts, une fouille réalisée sur la commune de Coyolles a permis de mettre au jour les vestiges d’un camp de prisonniers allemands de la Seconde Guerre mondiale placé sous autorité américaine.



Suite au Débarquement en Normandie en juin 1944, les Forces alliées, au fur et à mesure de leur avancée sur le territoire français, font prisonniers un nombre très important de soldats allemands. En attendant d’être renvoyés en Allemagne, ils sont accueillis dans des camps gérés par l’armée américaine ou anglaise. On distingue les camps centraux (hébergeant parfois plus de 30 000 prisonniers) et les camps de travail (rassemblant plusieurs centaines de prisonniers). Le camp de Coyolles correspond probablement à un camp de travail, dépendant du vaste camp central situé à Attichy (Oise), à moins de 30 km au nord-ouest.


Hors des périodes de travail, les prisonniers vaquaient aussi à des activités « de loisir » que l’archéologie documente. Citons notamment des plaques de métal rectangulaire – découpés dans des douilles d’obus – sur lesquelles était gravée l’identité de certains prisonniers. Sur l’une d’entre elles, le sigle P.O.W. dans « POW KOLILER » fait directement référence au statut de « Prisonner Of War » d’un individu nommé Koliler. Une autre a fait l’objet d’un travail soigné par son auteur Ernst Hemminger(z).

Suite à la demande d’aménagement d’un centre commercial sur la commune de Crouy, plusieurs occupations humaines ont été découvertes en 2011 et fouillée en 2012. Les deux premières occupations, modestes, concernent l’installation d’un petit groupe humain lors du Néolithique, au cours du V^e millénaire avant notre ère, puis d’une occupation à vocation agricole, à la transition entre l’âge du Bronze et l’âge du Fer, soit au cours du IX^e siècle avant notre ère. La dernière occupation, la plus importante, est une petite nécropole, datant du début de la période gauloise (second âge du Fer) soit du IV^e siècle avant notre ère.


La taille de la fosse, le nombre et la qualité du mobilier est directement en lien avec l’importance du défunt dans la communauté ou la société. Il est donc possible de voir cohabiter au sein d’un même cimetière des tombes très pauvres et des sépultures très riches. Ces dernières se caractérisent pour les hommes par la présence d’armement et par les femmes par de nombreux bijoux. Le défunt peut être inhumé sur un char, être accompagné par un vaisselier abondant, des pièces de boucherie variées, appartenant à des espèces animales différentes.
Cette hiérarchisation, marquée dès le plus jeune âge, se reflète dans le monde des morts au début du second âge du Fer.

Préalablement à l'aménagement d’un centre de traitement des déchets par Valor’Aisne, deux tuileries distantes de 700 m ont été découvertes en 2007 et fouillées en 2009. La première date de la fin du Moyen Âge et la seconde a été exploitée aux XVII^e et XVIII^e siècles.
Ces deux établissements se situent dans un vallon qui surplombe le prieuré

prieuré

Monastère, le plus souvent subordonné à une abbaye plus importante ; il est placé sous l'autorité d'un prieur, lui-même dépendant de l’abbé.

du Charme. Ce monastère

monastère

Bâtiments où réside une communauté de moines ou de moniales et où s'exerce son activité.

fondé à l’extrême fin du XI^e siècle dépend, dès 1104, de l’ordre de Fontevraud

ordre de Fontevraud

L’ordre de Fontevraud a été fondé en 1101 par Robert d'Arbrissel lors de la création de l'abbaye mère à Fontevraud (Maine-et-Loire). En principe les monastères de l'ordre de Fontevraud sont des monastères doubles, un monastère de femmes et un monastère d'hommes, voisins mais séparés.

fondé en 1101 par le moine Norbert d’Arbrissel en Anjou.

A la fin du Moyen Âge, cette section du rempart est en grande partie arasée. Un parcellaire

parcellaire

Découpage d'un terrain en plusieurs parcelles. Chaque parcelle est définie par une superficie de terrain et un propriétaire.

est mis en place en s’appuyant sur son tracé et sur les voies de circulation. Des maisons sont bâties de part et d’autre de l’ancienne courtine tandis qu’un hôtel particulier, l’hôtel de la Hure, est construit le long du fossé entourant la tour Philippe Auguste.
Pour améliorer la circulation, la porte est détruite en 1799. Le palais royal et la tour Philippe Auguste sont à leur tour démolis en 1831 pour permettre la construction d’un nouvel hôtel-de-ville. Le découpage parcellaire mis en place à la fin du Moyen Âge reste efficient jusqu’au début du XX^e siècle. En 1913, l’hôtel de la Hure disparaît pour laisser place aux Nouvelles Galeries puis au magasin Monoprix qui sera rasé en 2011.







1 - Pourtraict de la montaigne et Ville de Laon, 1640. La Cité est coloriée en jaune, le Bourg en gris (Bibliothèque nationale de France)

2 - Détail du plan de 1640. Le palais royal est en rose, la bastille Lupsault en violet. L'emprise de fouille est soulignée en vert (Bibliothèque nationale de France)

3 - Vue d'ensemble de la fouille

Ce site a été découvert en février 2005 sur le tracé de la rocade de contournement sud-est de l’agglomération de Saint-Quentin. Entre octobre et décembre 2005, il a donné lieu à une fouille. Cinq phases d'occupation agricoles ont été distinguées.



Les vestiges se caractérisent par un réseau de fossés semblant former un enclos à l'intérieur et à l'extérieur duquel des silos

silo

Fosse creusée dans le sol dans laquelle sont conservés des aliments et plus particulièrement des céréales.

pour le stockage des graines et des fosses d’extraction de matériau ont été fouillés. Un grand bâtiment associé à un grenier dont l’architecture s’appuie sur des poteaux a aussi été identifié. Ces restes semblent appartenir à une petite exploitation agricole.



Seul un silo a été découvert pour cette phase.



Un seul bâtiment est attribué à cette phase. Une fosse circulaire dont l’utilisation est indéterminée est remarquable par le soin avec lequel elle a été construite. Les recherches actuelles tendent à indiquer le déclin de la première cité des

Viromanduens

peuple de la Gaule Belgique demeurant dans le secteur actuel du Vermandois.

dans le dernier tiers du IIIe siècle au profit certainement de Vermand. Le déclin de la villa d’époque flavienne semble intervenir avant cette période. Les rares vestiges du IIIe siècle ne semblent pas appartenir à un établissement agricole aussi important que celui mis en évidence pour la fin du I^er siècle.



Le site est réoccupé au IV^e siècle par une exploitation certainement moins importante en taille, mais dont certains vestiges laissent entrevoir une certaine opulence des propriétaires (marbre, enduits etc.). Cette exploitation ne reprend pas le plan général des occupations antérieures mais sa position sur le même emplacement indique peut-être une certaine continuité dont seul le bâtiment du III^e siècle serait le témoin. Un grand bâtiment construit sur radier

radier (de mur)

élément en maçonnerie ou en béton qui constitue la fondation d'un ouvrage, le plancher d'une fosse, ou d'un canal.

de craie, c’est à dire installé sur une plate-forme de craie damée a été identifié (aménagement lié à des bains ?). A proximité de ce bâtiment, deux très grandes fosses (70 m² et 50 m²) revêtues de parois en dalles de grès sont certainement le témoignage d'une activité d'élevage et l'importance de ces installations nous laisse entrevoir l'importance de ces activités. Le dernier élément notable est la présence d'un four domestique de taille conséquente (2 m de diamètre). Cet établissement agricole du IV^e siècle nous montre l'image d'une exploitation ou la limite entre la pars urbana et la pars rustica n'est plus perceptible. Nous sommes là certainement en présence des dernières formes d'habitat rural d'inspiration romaine. Le plan ne correspond plus au canon de la construction romaine mais certains éléments persistent. L'ampleur de certains programmes d'aménagements impressionne, que ce soit le bâtiment sur radier de craie damée ou les dimensions des fosses aménagées. Cette exploitation agricole penche encore davantage vers la tradition gallo-romaine que vers l'habitat de type germanique qui à partir du Ve siècle prendra le dessus avec l'avènement de la maison-étable. Nous sommes tentés de voir dans l’importance des installations destinées à l'élevage en lien avec l’approvisionnement de la ville toute proche mais, dans l’état actuel des connaissances, l'occupation de l'ancienne Saint-Quentin ne paraît pas attestée au IV^e siècle. Nous pouvons néanmoins insister, en se référant aux différentes fouilles réalisées dans les environs immédiats de la ville, sur l'occupation des campagnes périphériques.

Depuis quelques années, les prescriptions de diagnostic archéologique portant sur des emprises restreintes situées au cœur des villages ou dans leur périphérie immédiate sont plus nombreuses. Les fouilles réalisées sur les communes de Pommiers (« Les Grosses Vignes ») et de Mercin-et-Vaux (« Les Quatre Livres ») alimentent ainsi la problématique des occupations du haut Moyen Âge sous les villages actuels.



Les emprises de fouille, toutes deux situées à moins de 100 m de l’église actuelle, ont permis la mise au jour de vestiges d’habitat qui s’échelonnent du VI^e au IX^e siècle à Pommiers et du VI^e au XVI^e siècle à Mercin-et-Vaux. Cette dernière occupation, située en bordure immédiate de l’église, se caractérise aussi par un cimetière utilisé entre le IX^e et le XIII^e siècle.







On note que l’occupation domestique se concentre probablement au nord, à proximité de l’église. Ainsi, le phénomène de concentration amorcé aux VIII-IX^e siècles semble se poursuivre au cours du Moyen Âge classique. Un rapprochement intime entre l’église, le cimetière et les vivants est en cours, selon un modèle qui aura cours jusqu’au XVIII^e siècle.

Le réaménagement de l’hôpital de Prémontré a donné lieu à un ensemble de recherches archéologiques : diagnostics préalables en 2008 et 2009 puis fouille entre 2010 et 2012. Toutes ces opérations ont été menées par le pôle archéologique du Département de l’Aisne.

L’hôpital est construit à l’emplacement d’une abbaye

abbaye

monastère placé sous la direction d'un abbé ou d'une abbesse.

fondée en 1121 par Norbert de Xanten.

Norbert de Xanten

Fondateur de l'ordre de Prémontré, appelé moines blancs de Prémontré ou couramment Prémontrés.

Cet établissement est à l’origine de l’ordre religieux de Prémontré dont le rayonnement spirituel et économique s’étendra pendant le Moyen Âge et l’époque moderne en France et dans l’Europe entière. Objet de plusieurs campagnes de construction, l’abbaye est vendue comme bien national à la Révolution française. Une verrerie y est installée pendant la première moitié du XIX^e siècle avant que les lieux ne soient acquis par le Département de l’Aisne en 1862 pour y installer l’hôpital psychiatrique départemental.


Les vestiges d’une chapelle

chapelle

Lieu consacré au culte dans un domaine hors paroisse, public ou privé (château, hôpital, collège, etc.).

accolée à l’est de l’ensemble conventuel ont été mis au jour. Plus à l’est, les restes de la pharmacie aménagée à la même époque, c’est-à-dire dans les années 1220-1247, ont enfin été vus.
Une ambitieuse campagne de travaux est entreprise entre 1718 et 1738. A l’ouest, une aile est construite et un second corps de bâtiment, encore en élévation actuellement, ferme au sud l’ensemble conventuel. L’emplacement précis de l’aile occidentale a pu être repositionné avec précision.
Une citerne

citerne

Réservoir construit pour recueillir et conserver les eaux pluviales.

est implantée dans la partie de l’abbaye qui s’étend des bâtiments conventuels au mur d’enceinte. Au cours de la seconde moitié du XVI^e siècle ou, au plus tard, vers 1620, ce secteur est aménagé en jardin à l’italienne dans lequel un bassin ornemental quadrilobé est installé.

De la fin de l’Antiquité à la fin du XIX^e siècle, la ville de Soissons a été entourée de remparts. Les vestiges de ces fortifications sont régulièrement mis au jour lors d’opérations archéologiques. Ces dernières années, la réhabilitation de l’ancienne caserne Gouraud sur la colline Saint-Jean et le réaménagement de l’esplanade du Mail ont été l’occasion d’étudier les systèmes défensifs soissonnais, en particulier celui du XIX^e siècle.



Une épaisse couche de terre recouvre une grande partie de la parcelle. Il est fort probable que ces terres soient liées aux jardins des édifices religieux voisins. De hauts murs de clôture séparaient ces jardins des rues. De la fin du Moyen Âge au XIX^e siècle, des bâtiments sont construits à la place des anciens jardins. Ces derniers sont réunis lors des travaux de modifications des remparts au XIX^e siècle, faisant disparaître la ruelle du Promenoir dont l’origine peut être antique.

Pendant près de deux siècles, les fortifications sont délaissées et deviennent un lieu de promenade. Les fortifications de Soissons sont reprises à partir des années 1820. Des bastions

bastion

ouvrage de fortification renforcée, généralement de forme pentagonale, construit en saillie des remparts, et fait d'un gros amas de terre contenu par la muraille. C’est l’équivalent des tours depuis l’époque moderne.

remplacent les tours et les décrochés des remparts et les fossés sont considérablement élargis. Les vestiges mis au jour lors de la réfection de l’esplanade du Mail sont construits durant ces années. Sur la colline Saint-Jean, l’Ouvrage à cornes du XVI^e siècle, depuis longtemps ruiné, fait place à un nouveau dans les années 1840.
Mais à peine fini, ces fortifications

fortification

Puvrage défensif, ou ensemble d'ouvrages défensifs, destiné(s) à protéger (une position, une place, une région) contre les attaques de l'ennemi.

montrent leur limite et ne résistent pas à l’artillerie

artillerie

Ensemble des armes permettant l’envoi de lourds projectiles sur l’ennemi.

prussienne en 1870. Dès lors, ces murs hauts de près de 10 m qui ceinturaient la ville sont vécus comme un frein au développement de Soissons et leur démantèlement commence vers 1890. Les fossés sont remblayés avec les matériaux des remparts tandis que les espaces ainsi libérés sont transformés en boulevards, places et esplanades. Seuls les dispositifs du Mont Saint-Jean sont en partie intégrés à la caserne Gouraud