22/01/2024

Fouille archéologique à Bucy-le Long, « Le Moulin des Roches »


Responsable d’opération : Sophie DESENNE (Inrap), Gilles DESPLANQUE (CD02)

Aménageur : GSM

Nature des vestiges : occupation domestique de la protohistoire et aménagements liés à un moulin moderne et contemporain


La commune de Bucy-le Long, dans la vallée de l’Aisne, est aujourd’hui célèbre grâce à la présence d’une vaste nécropole du second Age du Fer, fortuitement découverte au cours de la Première Guerre mondiale par les troupes allemandes qui occupaient le secteur et intégralement fouillée à la fin du XXe siècle par l’Inrap. Le site constitue aujourd’hui un jalon important pour la compréhension de la culture dite « Aisne-Marne », au cours des IVe et IIIe siècle avant J.-C.

Au cours du XXe siècle, ce secteur de la vallée a par ailleurs constitué un gisement de sable et gravier, dont l’exploitation alimente l’industrie de la construction. La zone a donc fait l’objet d’une surveillance archéologique attentive grâce à de nombreux diagnostics, parfois suivis de prescriptions de fouille. La compréhension des occupations humaines et des dynamiques de peuplement depuis le Néolithique jusqu’à la fin de l’Age du fer s’est ainsi progressivement étoffée.

La fouille au lieu-dit « Le moulin des Roches » représente la dernière parcelle exploitée sur le territoire de la commune. Il s’agit d’une opération menée conjointement par l’Inrap et le Service archéologique du Département de l’Aisne. Elle s’est réalisée en plusieurs phases depuis 2017 pour s’achever en juin 2023 avec l’étude de quelques vestiges du Premier Age du fer et, surtout, ceux d’un moulin de l’époque moderne et contemporaine.

Découverte des vestiges d’un moulin hydraulique d’époque moderne et contemporaine

Les vestiges découverts permettent de reconstituer une partie de la chaîne opératoire de l’exploitation de l’énergie hydraulique. La parcelle se caractérise d’abord par l’abondance de fossés dont certains s’apparentent à des canaux de grande section destinés à assainir la zone et délimiter des chemins d’accès (fig. 01 et 02). L’un d’entre eux est interprété comme le bief qui alimente le dispositif d’entraînement de la roue. Stérile en mobilier archéologique, son comblement organique fera l’objet d’une datation par radiocarbone afin d’estimer à partir de quelle période il était utilisé.

La partie terminale du bief était masquée par une construction massive, correspondant au dernier état du moulin, et dont la vocation était de canaliser l’eau afin d’alimenter la roue (fig. 03). Cette construction met en œuvre un mortier hydraulique de couleur rose, caractéristique des aménagements destinés à résister à la présence durable de l’eau.

Fig. 03 : le dispositif de canalisation permettant d’alimenter la roue (cliché G. Desplanque) 

Situé hors de l’emprise de fouille, l’emplacement de la roue n’a pas été étudié, mais le bâtiment qui la jouxte et accueillait le mécanisme de mouture a néanmoins été partiellement mis en évidence. Il s’agit d’une construction de plan rectangulaire très longue et disposée perpendiculairement à l’axe du bief (fig. 04). La fouille a permis d’en mettre en évidence les réaménagements successifs (ajouts, divisions, restaurations) et de montrer qu’il s’agit d’un édifice perpétuellement transformé (fig. 05). Espace à vocation artisanale, le bâtiment accueillait des occupants de manière pérenne (on pense au meunier et sa famille) dont les cadres matériels de la vie domestique sont partiellement conservés : niveaux de circulation soignés, enduits sur les murs, céramique décorée, récipient en verre…

L’opportunité d’une telle opération permet de travailler sur un type d’occupation mal documenté par l’archéologie. Situé au carrefour de diverses activités économiques, le moulin – mais surtout l’ensemble des aménagements que son fonctionnement suppose – documente la manière dont l’humain intervient sur le paysage, dans le sillage des impacts répétés depuis le néolithique.