04/12/2018

L’objet du mois – novembre 2018


L’objet du mois est un porte-photo en forme de cœur

Vous pourrez retrouver cet objet dans l’exposition « Matières du temps » au Louvre-Lens (1er décembre 2018 – 20 mai 2019)


cadre-coeur_ camp de prisonniers, Coyolles, Aisne ©pôle archéologique-CD 02

Titre : Porte-photo en forme de cœur // Matériau / technique : Alliage cuivreux // Dimensions : H. 11.7 cms ; L. 12.2 cms ; épaisseur. pr. 0.5 cms // Datation : 1944-1946 // Provenance, N° d’inv. : Département de l’Aisne // Mode d’acquisition : Fouille

Ce cœur métallique constitue un exemple de production artisanale personnalisée. Il a été réalisé à partir d’objets récupérés par des prisonniers allemands détenus dans le camp de travail de Coyolles (Aisne) au cours des années 1944-1945 et l’immédiat après-guerre.

Cet objet a été obtenu à partir d’une plaque de métal de 5 mm d’épaisseur. Au centre, il présente une partie évidée de forme carrée au fond de laquelle une feuille de tôle en zinc de couleur rouge a été fixée. Il s’agit d’un probable cadre dans lequel s’insère une photo de format carré. Des perforations de deux diamètres différents ont été réalisées dans la partie haute : elles pouvaient assurer la suspension, servir de support à des éléments décoratifs à moins qu’elles ne représentent des motifs floraux schématisés.

Si les prisonniers veillent à améliorer leur quotidien en travaillant toutes sortes de matériaux, le bricolage, pour certains, constitue aussi une occupation solitaire pour « tuer le temps » ou échapper, un moment, à leur condition de détenu. Certains prisonniers sculptent des objets variés, y gravent leur propre identité ou des inscriptions évoquant le souvenir de leur passage dans le camp. Dans le cadre de ces productions, le cœur constitue un motif abondamment utilisé : les archéologues en retrouvent en effet souvent, taillés dans des morceaux de plastique ou de métal, souvent perforés à plusieurs reprises, parfois suspendus à une chaînette et portant occasionnellement la gravure d’un prénom féminin.

Toutes ces productions s’inscrivent dans la sphère intime du prisonnier : en attendant une libération et le retour au pays, elles constituent un support à l’entretien d’une mémoire personnelle en mettant en scène le souvenir des êtres proches. Ces petits objets incarnent ainsi le statut du prisonnier de guerre qui, plusieurs années après avoir quitté le pays et le foyer familial, est confronté à l’incarcération, la solitude et la mélancolie. Autant d’émotions que la fabrication, la manipulation et la contemplation de ces amulettes aident à supporter.